Comme je vous l’avais déjà dit, ces dernières semaines, j’ai poursuivi la traduction d’un livre d’Ilhan Berk publié, en Turquie, aux éditions YKY (Yapi Kredi Yayinlari): Pera. C’est dans ce livre que, pour la première fois, j’ai entendu parler de Zozo Dalmas, décrite en train de retoucher son maquillage dans le hall du Pera Palas (voir note: Pera Palas, janvier 2009). En page 32 de ce même livre, dans un texte intitulé Un Nid d’Amour, Ilhan Berk évoque notamment l’une des maisons de rendez-vous les plus en vue d’Istanbul: celle de madame Atina. En précisant que Zozo Dalmas, «l’une des roses de cet endroit, à la réputation mondiale» figure dans le registre de la patronne comme «artiste-invitée». Et deux pages plus loin, il consacre tout un poème à Zozo, sous le titre suivant:
Zozo Dalmas, une blanche mélancolie
Une métisse celtico- rum. Une Aphrodite. Mystérieuse, exaltée.
Pas plus de quatorze ans, une jeune beauté de taverne. Refusant de descendre de la balançoire.
A dix-neuf ans, fragile, virevoltante. Toute décolletée, dans une toilette argentée.
Elle rit dans un mélange de turc et d’italien. Longs cils, longs cheveux blonds (avec une bouche violette à faire peur).
Debout, on dirait une esclave. Mince, joli cou de bronze. Tous les soirs, elle cajole son chien.
A vingt et un ans, une photo du genre à colorer de mort le teint de celui qui la touche.
Dans les années 1940, étoile numéro un de l’opéra du Peuple. Souvent elle s’embarque dans des passions sans issue.
Toujours des robes longues et des talons hauts. (Est-ce un rêve d’enfance ?)
Une femme-femme. Un visage de Paris. Avant la représentation elle n’oublie pas de prendre un bain de lait. Dès ces années-là, elle dit que «l’amour est une pente».
Dans le registre de madame Atina, elle figure comme « artiste invitée ».
Lorsqu’elle se promène dans Beyoglu, avec sa grande ombrelle et son chapeau rouge, elle porte toujours des lunettes de soleil jaunes.
A trente cinq ans, elle est tombée amoureuse d’un garçon aux cheveux aussi lisses qu’un mur. Désormais, elle donne à manger à deux souris blanches.
Tous les matins, Madame Atina venait déposer elle-même son thé devant sa grande psyché.
Une mante religieuse ! Elle a beaucoup papillonné. Faisait collection de timbres. Voulait voir le soleil se coucher sur le mont Nemrut.
Sur une photo qui la montre sur son lit de mort, lèvres ouvertes, elle regarde le monde.
Avec l’aimable autorisation des éditions YKY
Illustrations: Ilhan Berk
Bonjour Marie-Michèle. Je suis vraiment content d’en savoir maintenant un peu plus sur Zozo. Très belle chronique. Bien cordialement. Irnerius
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