Leto – Pessac 2/4

29e Festival international du film d’histoire de Pessac

L’été incandescent du rock soviétique avant la Glasnost

Parmi les films entrant dans la sélection de la compétition fiction, cette semaine à Pessac, celui de Kirill Serebrennikov (également réalisateur du Disciple), intitulé Leto (été, en russe).

Présenté à Cannes au printemps dernier, Leto fut récompensé du prix de la meilleure musique. On attendait donc sa sortie en salle avec impatience. Ce sera chose faite début décembre et dès cette semaine à Pessac.

Back in USSR

Le meilleur des 60’s/70’s anglo-saxonne défile sur la bande son survitaminée du film: Iggy Pop, Lou Reed, The Talking Heads… Mais que l’on ne s’y trompe pas, on est bien en URSS, au tournant des années 80 et ce sont des Russes de la rue qui, dans le bus ou les trains de banlieue, font vibrer les murs en empruntant à Debbie Reynolds sa plus fameuse supplication: Call me, call me…

Un Jules et Jim éclairé au néon

L’histoire se passe à Leningrad (pas encore redevenue Saint-Petersbourg) pendant l’ère Brejnev. Elle rayonne autour d’un groupe de musiciens underground dominé par deux personnages centraux et leur égérie, Natascha. A eux trois, ils forment une équipe à la Jules et Jim, pleine de tendresse  jalouse et de jalouse tendresse, mais en version estampillée Pravda, bourrée de contradictions. On oscille sans cesse entre jubilation et mélancolie, violence sociale et douceur des relations amoureuses et amicales.

Concerts sous surveillance

Tandis que les deux garçons ferraillent pour se faire un chemin vers la gloire, en tapant sur des casseroles, scènes hilarantes de concerts placés sous surveillance par les comités de censure, chargés de contenir un public adolescent trépignant prié de rester bien scotché à sa chaise.

Hommage à Viktor Tsoï (1962-1990)

Kirill Serebrennikov rend ici hommage à deux comètes incandescentes de la scène rock soviétique des années 1980: Mike Naumenko (du groupe Zoopark) et surtout Viktor Tsoï (Kino) qui disparaîtront l’un et l’autre à l’aube de la décennie suivante, c’est-à-dire juste avant la chute du Mur. A cause de cela, la nostalgie n’est donc jamais loin, tiraillée entre un pouvoir de plus en plus à la peine et une jeunesse qui rêve de liberté et ne sait pas encore que la Glasnost viendra pour bientôt.

L’ombre de l’Afghanistan

Pour l’instant, la seule musique qui compte est celle qui vient d’Occident et circule sous le manteau. Et aussi celle qui reste à composer, des images plein la tête inspirées des pochettes de vinyl que l’on accroche à même les murs comme des tableaux de maître. Des images qui envahissent la pellicule noir et blanc, rayée d’incrustations argentées, mélange d’énergie pure et de mélancolie quand, subrepticement, se glisse une séquence où de jeunes garçons  doivent se soumettre à la visite médicale précédant leur départ pour l’Afghanistan.


La mort n’est jamais loin…

Kirill Serebrennikov nous remet alors en mémoire, sans pathos mais d’une manière déchirante et infiniment triste à la vue de ces jeunes garçons fragiles et nus, déjà malmenés par des infirmières alourdies par l’indifférence, que ces années-là sont aussi celle d’une guerre (1979-1989) qui fit environ 50.000 morts côté russe et au moins dix fois plus parmi la population civile afghane. C’est aussi l’une des forces de ce film un peu fou de nous rappeler, avec la virulence de la scène punk dans ses meilleurs moments, que la mort n’est jamais loin.

Assignation à résidence

Leto a été chaleureusement accueilli par le public cannois au printemps dernier, mais son réalisateur n’a pu faire le déplacement jusqu’à Cannes. Kirill Serebrennikov est sous le coup d’une assignation à résidence en Russie depuis plus d’un an.

Leto, de Kirill Serebrennikov. Sortie en salles le 5 décembre 2018 — Projeté à Pessac le mardi 20 novembre à 21h15 et le jeudi 22 novembre à 19h10. Extrait:

 

 

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