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Adieu, Georgia

Chers lecteurs,

Voici un peu plus de dix ans que j’ai créé ce blog, auquel le temps est venu de mettre un terme. Mes plus anciens et fidèles lecteurs savent qu’il prit sa source entre Istanbul et Paris, pour soigner la mélancolie d’un retour pas vraiment souhaité.

En ce temps-là, je m’étais inscrite à l’école des Langues orientales (Inalco), pour y poursuivre à ma façon le voyage en Orient en approfondissant mes connaissances de la langue et de la culture turque. C’est ainsi qu’à l’invitation du monde.fr j’eus l’idée de créer cette fenêtre culturelle ouverte entre la France et la Turquie.

Un vers du poète turc Ilhan Berk m’avait soufflé l’idée du titre :

Où est passée Zozo Dalmas ?

Sur cette piste, je m’étais lançée à la poursuite de mon héroïne: une danseuse  des années 1930 ressuscitée par la magie du poème.  Une femme célèbre dans toutes les capitales du Moyen-Orient de l’époque: Beyrouth, Le Caire, Constantinople… Cependant, à l’image de l’ancienne Byzance,  dont j’avais arpenté les rues et les ruelles avant de m’en éloigner tandis que le vent de la politique commençait à souffler sur les minarets, l’histoire de Zozo m’avait toujours échappé, fuyante comme une anguille…

Un message venu de Grèce au sujet de Georgia

Jusqu’au jour où, sept ans plus tard, je reçus un message posté de Grèce par lequel mon correspondant, qui porte le beau prénom de Moïse, me transmettait de nouveaux éléments sur Zozo. Il m’apprit ainsi qu’en vérité elle s’appelait Georgia, et avait fini ses jours sur les doux rivages du golfe de Corinthe où il passait lui-même ses vacances avec son épouse.

«  Nous avons cherché qui était cette femme blonde emblématique de la marque de cigarette Santé que vous évoquiez dans votre article, m’avait-il écrit, et il n’y a guère que votre blog qui nous en a informé ».

Vous trouverez ici le déroulé de ces années dix années pendant lesquelles la Turquie et la France n’ont malheureusement pas connu les jours les plus heureux de leur histoire.

Tous les articles écrits au fil de ce temps suspendu sont réunis ici. Vous pouvez donc les explorer à votre guise…

Marie-Michèle Martinet

Illustrations: Le Bosphore depuis ma fenêtre à Beyoglu en 2006 ©Marie-Michèle Martinet – Paquet de cigarettes grecques de la marque Santé. © Santé, Georgia dans sa maison de Galaxidi.

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Les Oubliés – Pessac 3/4

29e Festival international du film d’histoire de Pessac

La 29e édition du Festival du film d’histoire de Pessac, placée sous le signe de l’entre-deux guerres (1919-1939), se consacre cette année à trois décennies multiformes que les organisateurs ont  rassemblées sous une formule assez parlante, faisant référence à la Drôle de guerre qui précéda l’occupation par l’Allemagne des Pays-Bas  et de la Belgique : La Drôle de Paix.

L’Histoire peut-elle bégayer?

L’évocation de cette période prête peu à sourire et la sélection des films montrés au public depuis lundi se distingue, à quelques rares exceptions près, par son austérité. D’autant que le recours appuyé du président de la République aux références aux années 1930 pour évoquer l’actualité présente du pays jette sur les projections et les débats une sorte d’écho qui vient brouiller les esprits plus qu’il ne les éclaire. Le Figaro tentait récemment d’exprimer ce malaise général du moment : c’est « comme  si nous assistions dans l’impuissance au grand retour d’ennemis hier vaincus. » Cependant, L’Express s’interroge : « L’Histoire des années 1930 peut-elle bégayer? »

Un récit figé réglé comme une horloge

Les films que l’on a pu voir ces derniers jours posent, plus que jamais et chacun à sa manière, la question du récit historique. Lorsque j’étais enfant, à l’école, l’histoire de France (celle des autres pays intéressait peu l’Education nationale) nous était essentiellement enseignée de manière chronologique en se basant sur des dates (ce qui ne m’arrangeait pas du tout car j’ai une très mauvaise mémoire des chiffres). Cela donnait l’impression d’un récit coupé de l’humain, figé et immuable, d’une précision et d’une justesse horlogères.

Tout le monde a ses raisons

Il me semble que c’est en parlant avec les hommes et les femmes ou en lisant leurs témoignages sur l’histoire en train de se faire que l’on commence à comprendre que cette discipline est tout sauf une science exacte; et qu’à vouloir s’y contraindre, on se condamne à la trahir. Car elle est polymorphe, elle vieillit bien ou mal, comme le vin. Et tout dépend du point de vue de celui qui la raconte, comme l’a si bien résumé Jean Renoir évoquant sa Règle du Jeu : « Ce qui est terrible sur cette terre, c’est que tout le monde a ses raisons. »

Sauf que certains auteurs, par goût de la simplicité ou excès de certitude, la racontent sans tenir compte de sa complexité. C’est ce que racontait si bien, jusqu’au vertige, La Passeuse des Aubrais de Michael Prazan (documentaire sélectionné l’année dernière). C’est aussi ce qui fixe les limites de La Tondue de Chartres de Patrick Cabouat projeté hier.

« En ce temps-là, pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait des filles. On allait même jusqu’à les tondre. »

Paul Eluard

Faire parler une photo de Capa

Le réalisateur s’était fixé pour objectif de décortiquer le sens caché d’une fameuse photo de Robert Capa, fixant sur la pellicule, à la Libération, une femme tondue  escortée par la foule haineuse qui la conspue. Mais il s’empêtre dans un récit qui irrite par ses « oublis »: aucune mention n’est faite, par exemple, de la nature de ceux et celles qui procédèrent à l’humiliation de ces femmes, coupables ou non-coupables des faits qui leur étaient reprochés, mises au pilori par des hommes qui furent le plus souvent des « résistants de la 25e heure », soucieux de se trouver un bouc émissaire pour tenter de se racheter une vertu à bon compte. Une telle omission met extrêmement mal à l’aise et le fameux poème de Paul Eluard* cité à la toute fin de ce documentaire ne suffit pas à rectifier le tir ; au contraire, il donne l’impression d’un tardif regret. D’autant plus que les photos utilisées pour servir de support au récit sont loin de se rapporter toutes aux personnages dont il est directement question ce qui accentue l’impression de condamnation en bloc et sans nuances des femmes que l’on voit à l’écran.

Les amnésies de l’Histoire

A l’opposé, Les Oubliés de la victoireL’Odyssée des soldats d’Orient de C. Gruat et D. Sapaut. Ce film, consacré au front de l’Est et à la très oubliée armée d’Orient, brille par son souci de donner la parole à chacun, qu’il s’agisse du général Franchet d’Esperey, commandant les troupes alliées parties de Salonique, de l’officier cultivé échangeant de magnifiques lettres avec son épouse, du simple bidasse impatient de retrouver sa province… L’ensemble donne à entendre de manière symphonique la multiplicité des regards et des parcours tout en réparant les oublis de l’Histoire et de sa grande Hache, comme l’écrivit Georges Perec. Car l’effort de ces soldats fut décisif pour la victoire. Il se poursuivit jusqu’aux portes de Constantinople et celles de la Russie (alors passée aux mains des Soviets) et se prolongea bien au-delà de l’armistice de 1918, de ses flonflons et de ses musettes.

C’est aussi cela, le mérite du festival de Pessac : faire remonter à la surface des consciences des images que l’on avait peut-être oubliées, des visages trop tôt effacés, des voix qui se sont tues dans l’indifférence générale des amnésies opportunes.

* Comprendra qui voudra, Paul Eluard, 1944
Illustrations (de haut en bas): Les Oubliés de l’Histoire, L’Odyssée des soldats d’Orient (en Serbie) – Robert Capa, La tondue de Chartres – Les Oubliés de l’Histoire, L’Odyssée des soldats d’Orient.

Mae West 1/2/Bouche

Qui a dit que les médecins ne s’intéressent qu’à leur compte en banque et aux portefeuilles ministériels ? Sans parler de leur mégalomanie… Question : Quelle est la différence entre Dieu et un médecin ? Réponse : Dieu ne s’est jamais pris pour un médecin… Je n’épiloguerai pas sur le sujet, mais me permettrai quand même, une fois n’est pas coutume, de témoigner en faveur de l’un des représentants de cette profession si injustement décriée ces jours-ci.

Celui dont je vais vous parler s’occupe de mes dents. Mais  je tairai son nom et sa spécialité car sa salle d’attente est  bien assez remplie comme ça, et je n’ai aucune envie de supporter les conséquences d’une excessive célébrité sur ses nerfs,  déjà beaucoup trop sollicités par le surmenage.  Voici l’histoire… La semaine dernière, comme d’habitude, j’avais rendez-vous à son cabinet. Tandis que je m’installais le plus confortablement possible dans le fauteuil basculant,  je remarquai un changement dans la décoration de la pièce: un nouveau cadre, encore posé sur la moquette, prêt à être fixé au mur.  C’est l’affiche de l’expo Dalí dont je vous ai parlé l’autre jour, a-t-il dit.

Un petit miracle a dû se produire alors, car la perspective de la séance à venir m’est soudain apparue  moins terrible. Ça change quand même considérablement la donne, dans un cabinet médical, d’échapper à ces effrayantes publicités vantant les mérites de telle pâte à coller les dentiers ou du dernier dentifrice anti-caries avec clichés techniques des ravages induits, non ? L’affiche choisie ne s’éloignait pourtant pas du sujet dentaire puisqu’au  centre de l’image il y avait la photo d’une très belle broche représentant une bouche aux lèvres pavées de fins rubis, délicatement entrouverte sur une double rangée de perles…


Le lendemain, l’impression dégagée par ce bijou ne m’avait pas quittée. J’étais d’autant plus troublée que la bouche précieuse imaginée par Dalí me  ramenait au point de départ de ce carnet de notes, que vous avez la bonté de lire depuis bientôt quatre ans. Les plus assidus d’entre vous n’ignorent pas qu’il me fut inspiré par un poème d’Ilhan Berk, tombé sous le charme d’une certaine Zozo Dalmas qui prête son nom au titre de ces pages. Pour ceux qui ont raté les précédents épisodes, je résume : Zozo Dalmas est une actrice d’origine grecque, née dans les années 1890 à Salonique,  célèbre dans tout le Moyen-Orient du temps où les Jeunes-Turcs faisaient tomber les fez (et les têtes aussi) de ceux qui ne partageaient pas leur conception de l’esthétique vestimentaire.

 

Le bijou créé, en 1949, par l’extravagant marquis  de Dalí y de Púbol réveilla donc en moi le fantôme parfumé de Zozo, égarée dans le hall d’un palace d’Istanbul, où louvoyaient  des voyageurs de l’Orient-Express et toute une société interlope. On est dans les années 1915, écrit Berk. Istanbul est occupée par les Anglais et les Français, et ça grouille d’Européens et d’espions dans les hôtels :

Et au premier plan, l’immortelle Greta Garbo et Charles Boyer.
Et le général Harrington – un occupant – boit son thé.
Et les pachas Enver et Cemal montent à leur chambre.
Et Zozo Dalmas retouche son rouge à lèvres.
Et un feu d’artifice illumine le ciel.

Je ne saurais dire pourquoi la  lecture de ces vers, surtout les deux derniers, très cinématographiques mais sans rien d’extraordinaire,  m’ont toujours fait  grande impression. Zozo Dalmas retouchant son rouge à lèvres… Et voici que, plusieurs années plus tard,  la broche rouge imaginée par Dalí allumait un feu d’artifice sur une bouche semblable à celle que j’avais imaginée. Pourtant,  Zozo n’était pas l’inspiratrice de ce bijou. Après quelques recherches, je découvris qu’une  autre actrice en était le modèle : une Américaine, Mae West, née en 1893, c’est-à-dire à peu près au même moment que la Grecque. J’ai répondu à mon cher médecin: Oui, c’est un très beau bijou… Il a souri et,  juste à ce moment-là, j’ai senti un léger goût de sang sur ma lèvre.

Mae West  fut la première blonde fatale du cinéma américain. Dotée d’une poitrine si généreuse que les aviateurs américains de la Seconde Guerre mondiale avaient donné son nom à leurs gilets de sauvetage qui se gonflaient sur le devant. N’allez pas croire pour autant que la belle Mae n’était qu’une ravissante idiote. Ses répliques, souvent salaces, ne manquaient jamais d’esprit : « Entre deux maux, je choisis toujours celui que je n’ai pas encore essayé », disait-elle, un brin fataliste. Dalí était fou d’elle. Il en fit une obsession esthétique. Dans son musée de Figueres, en  Catalogne, une salle entière est dédiée à Mae. Une œuvre en trois dimensions décline son visage: ses cheveux, ses yeux, son nez… et sa bouche, transformée en  sofa. Une dizaine d’années plus tard, il imaginera le bijou dont les lèvres étincelantes et ourlées semblent se mouvoir comme les valves d’un coquillage d’où jailliraient des perles.

« Sans public, sans la présence de spectateurs, ces bijoux ne rempliraient pas la fonction pour laquelle ils ont été créés. A cet égard, celui qui regarde est le créateur ultime. Son regard, son cœur et son esprit — selon qu’ils saisissent et pénètrent avec plus ou moins de finesse les intentions de l’artiste — leur donnent  vie.» Salvador Dalí

Depuis le 21 novembre et jusqu’au 25  Mars 2013, à Paris, le Centre Pompidou consacre  une rétrospective inédite à Salvador Dalí.

Illustration: Le visage de Mae West, par Salvador Dalí (1935)

Hôtel Constanza

Dans le prolongement de mon précédent article consacré à Lawrence Durrell et à son séjour à Chypre, j’aimerais aujourd’hui vous offrir un extrait de mon roman, intitulé Méduse, dont le narrateur, Lucas Melville, débarquant à Nicosie, découvre les charmes empoisonnés de la ville où il espère, sans trop y croire, retrouver la trace d’une femme rencontrée à Istanbul et mystérieusement disparue. En écrivant ce livre, j’ai pensé à Durrell. Et aussi à certains films noirs américains des années 30-40, aux intrigues baroques, comme Le Faucon Maltais de John Huston et Le Troisième Homme de Carol Reed, sur un scénario de Graham Greene…

L’hôtel Constanza était un de ces palaces un peu décatis dont l’architecture élégante et les palmiers centenaires ne suffisent pas à faire oublier l’usure des tapis. Derrière une rangée de plantes tropicales disposées dans des jardinières d’intérieur en bambou, les meubles du salon de thé avaient été recouverts de housses blanches.  Le grand hall désert au charme suranné offrait une large ouverture sur la terrasse surplombant la baie. Une jeune femme y était occupée à des travaux de jardinage. Comme elle ne m’avait pas entendu entrer, ma présence l’a faite sursauter. Elle avait l’air vraiment surprise de me trouver là et a fini par m’expliquer qu’en ce début du mois de novembre, l’hôtel était déjà fermé depuis plusieurs semaines et ne réouvrirait qu’au printemps.
 
Depuis la terrasse, j’ai rejoint la plage par un escalier de pierre prolongé par un caillebotis qui descendait jusqu’au rivage. Un peu plus loin, sur la droite, se détachait la ligne sombre et massive d’un alignement d’immeubles imposants, dont la modernité bétonnée contrastait avec la mélancolie désuète du Constanza.
J’avançais maintenant avec lenteur,  freiné par la fluidité du sable fuyant sous mes pas. A mesure que j’approchais de ces constructions typiques des années 1970, certains détails devenaient plus visibles : l’absence de rideaux aux fenêtres, les carreaux cassés, des traces noires sur les murs suggérant un ancien incendie… j’avais du mal à comprendre qu’une plage offrant un tel panorama puisse à ce point être laissée à l’abandon. Puis j’ai réalisé que quelque chose clochait dans ce décor, comme sur ces photomontages où sont associés des éléments n’ayant a priori rien à faire ensemble. Au premier coup d’œil, on ne voit pas le trucage ; on ne perçoit que l’incongruité de l’ensemble en ressentant un indéfinissable malaise ; et le malaise se poursuit jusqu’au moment où l’on parvient enfin à identifier le faux raccord. De la même façon, en découvrant la façade éventrée du premier bâtiment dont l’entrée principale avait disparu dans un tas de gravats masquant un vaste trou, j’ai fini par comprendre : ces ruines étaient les vestiges des hôtels quatre étoiles de l’ancienne riviera, prise au piège de la guerre civile et du no man’s land imposé par les militaires.
 En 1974, après de longs mois de massacres réciproques, quand les Turcs avaient envahi le nord de l’île, les Chypriotes grecs avaient dû quitter leurs maisons dans la panique. En sens inverse, les Chypriotes turcs s’étaient précipités du sud vers le nord. Ensuite, le mur avait coupé le pays en deux. Et il était toujours là… Celui de Berlin avait fini par tomber, mais pas celui-là, autrefois peuplé d’une forte majorité grecque. Le quartier de Varosha, où le taxi m’avait déposé, n’était plus qu’une ville-fantôme vidée de ses habitants. L’hôtel Constanza, où j’avais essayé en vain de louer une chambre, était le seul palace de la zone à avoir échappé à l’isolement forcé : il était situé juste à l’extérieur du périmètre interdit délimité par une ceinture de barbelés: « Interdit aux bicyclettes, aux motocyclettes, et aux chiens » proclamaient encore les pancartes accrochées tout au long de l’enceinte. A l’intérieur du grillage, dans un fouillis de pierre calcinées, d’herbes sèches et d’objets hétéroclites, les villas abandonnées aux terrasses craquelées étouffaient dans des jardins silencieux où seuls les palmiers, les lauriers roses et des cactus aux proportions gigantesques avaient trouvé la monstrueuse force de prospérer. Les bassins et les fontaines, depuis longtemps à sec, ne contenaient plus que des feuilles mortes et des canettes vides.
Sur le front de mer, les bâtiments de l’ancienne zone hôtelière n’offraient plus au regard que leurs immenses carcasses vides et noircies surplombant les toits disloqués d’une demi douzaine de résidences plus modestes.
 
Partout, les murs étaient criblés d’impacts et de graffitis. J’essayais de les déchiffrer, en m’efforçant de faire barrage aux images anciennes qui remontaient à ma mémoire, jusqu’à la nausée, pour se surimprimer à celles que j’avais sous les yeux : Beyrouth, détruite sous l’œil indifférent des caméras de télévision ; la plage du Saint-Georges et ses palmiers aux troncs éléphantesques, les mêmes palmiers, les mêmes monstres que ceux de Varosha, et les trous d’obus, les tireurs embusqués, complètement défoncés, les barrages, et tous ces murs délabrées derrière lesquels un enfant, en tous points identique au petit garçon que j’avais été, guettait encore avec effroi l’apparition d’un autre petit garçon. Son copain de classe, Robert Menassa…
 
Méduse, page 98.
 
Illustrations: l’île de Chypre sur une carte de 1845.

 

Citrons acides

Lorsque j’étais journaliste à Istanbul, mon journal  m’avait demandé   de « couvrir » le référendum sur la réunification de l’île de Chypre. Au mois d’avril 2004, j’ai donc fait le voyage jusqu’à Nicosie, cette capitale  chypriote qui, un quart de siècle après la chute du mur de Berlin était encore, à l’instar de la capitale allemande sous la Guerre froide, coupée en deux zones étanches soumises au régime des check-points et du no man’s land. Le fameux passage Ledra,  cette avenue qui, avant la guerre civile  fut, paraît-il, la plus chic de la ville, n’était plus qu’une allée de poussière où seules les voitures diplomatiques et les piétons pouvaient  circuler. Un couloir des transfuges, contrôlé à chacune de ses extrémités : d’un côté par les Turcs (zone nord), de l’autre par les Grecs (zone sud, seule reconnue, aujourd’hui rattachée à l’Union européenne). Entre les deux, ce passage bordé de maisons abandonnées:  les fantômes des anciennes villas, comme plongées dans une maladie du sommeil  qui semblait les avoir figées là, depuis la guerre, pour toujours, avec encore,  aux fenêtres, les sacs de sables  des tireurs embusqués, morts depuis longtemps.

C’était la première fois que j’allais à Chypre. Avant d’embarquer d’Istanbul jusqu’à l’aéroport d’Ercan, en zone nord,   j’ai   replongé pour préparer mon voyage dans l’histoire mouvementée de l’île, dont les Anciens avaient  choisi de faire le berceau de la déesse Aphrodite. Et j’ai retrouvé, dans le fouillis de ma bibliothèque, l’ouvrage que l’écrivain anglais Lawrence Durrell consacra, au début des années 1950,  à son séjour dans ce jardin aux parfums d’agrumes, malmené  par l’occupation britannique et les convulsions  communautaires qui mèneraient à la guerre civile.

Ce livre est intitulé Citrons acides. Là-bas, Il fut pour moi un viatique. Un compagnon de voyage ; du genre de ceux qui vous escortent en silence et, au moment de faire halte, vous donnent à voir ce que vous n’auriez peut-être pas remarqué, dans la hâte de tout comprendre en trop peu de temps.

C’est ainsi que, tout au long de ce reportage,  l’ombre bienveillante de Lawrence Durrell m’a accompagnée. J’ai même poussé le souci de proximité avec mon mentor jusqu’à m’installer dans un hôtel à Kyrénia, tout près de Bellapaix, le village dans la montagne où Durrell s’était mis en tête d’aménager sa maison, au milieu des pierres, des artisans pas pressés, des arbres à l’ombre bruissante, des piles de bouquins et de  manuscrits froissés : celui notamment de son chef-d’œuvre, le Quatuor d’Alexandrie, qu’il écrivit à Bellapaix.

J’ai repensé à tout ça en apprenant que l’on fêtait aujourd’hui le centenaire  de la naissance du plus iconoclaste des écrivains british qui, né en Inde, a toujours préféré les îles  aux parfums d’épices à celle qui était pourtant celle de ses ancêtres et qu’il surnommait avec facétie « l’île du Porridge ». A Chypre, il fut servi, question soleil de plomb, et plomb tout court. Et après avoir bien travaillé et noué de solides amitiés autochtones,  à son grand regret, il dut partir vers d’autres cieux, toujours lumineux mais moins embrasés, en l’occurrence le sud de la France.

Citrons acides s’achève sur un poème de l’auteur qui donne son titre à l’ouvrage :

 Dans une île de citrons amers
Où les fièvres froides de la lune
Travaillent  les sombres globes des fruits
Et l’herbe rêche sous les pieds
Torture la mémoire et ravine
Des habitudes que l’on croyaient mortes à jamais,
Mieux vaut faire silence, et taire
La beauté, l’ombre, la violence ;
Que les antiques gardiens de la mer
Veillent sur le sommeil des songes
Et la tête bouclée de la mer égéenne
Contienne ses fureurs comme des larmes non versées
Contienne ses fureurs comme des larmes non versées.
 
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A l’occasion du centenaire,  Buchet-Chastel réédite  plusieurs ouvrages de Lawrence Durrell, parmi lesquels le  Quatuor d’Alexandrie (traduit par Roger Giroux).

Dans la collection Voyager avec, la Quinzaine Littéraire et les éditions Louis Vuitton publient Lawrence Durrell, dans l’ombre du soleil grec, de Corinne Alexandre-Garner. Un choix de récits de voyage, romans, poèmes et correspondances de l’écrivain. Et aussi des  dessins et pages manuscrites rares.

Citrons acides est publié en poche chez Phébus (Coll. Libretto – trad.: Roger Giroux).

Pour plus de détails, consulter également le site anglais consacré à l’écrivain et aux événements liés au centenaire.

Sur la piste de Zozo

J’ai retrouvé la trace de Zozo Dalmas ! Alors que je commençais à désespérer de croiser la route de celui ou celle qui aurait conservé un souvenir d’elle assez vivace, j’ai rencontré l’autre jour celle qui s’est enfin exclamée : « Evidemment, Zozo Dalmas ! bien sûr ! Qui pourrait ne pas se souvenir d’elle ! ».

Celle qui m’a répondu ainsi est Grecque. Elle s’appelle Anthi Karra. Elle vit à Bruxelles où elle travaille comme traductrice, parallèlement à son travail de recherche universitaire. En littérature, elle est notamment la traductrice dans sa langue de Nedim Gürsel.

C’est encore grâce au cher Ilhan Berk que nous nous sommes rencontrées, dans le cadre du séminaire Traduire la Turquie organisé à l’EHESS à l’initiative de Timour Muhidine et d’Altan Gökalp qui vient malheureusement de nous faire faux bond.

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Voici ce qu’Anthi Karra me précise à propos de Zozo :

« Elle était vraiment très célèbre dans les années 1930. En 1931, à Istanbul,  elle tenait un rôle dans l’opérette intitulée Leblebici Horhor Aga (Horhor, vendeur de pois chiches) qui remporta un immense succès. »

Il s’agit sans doute du même Horhor que celui qu’évoque Giovanni Scognamillo dans Le Cinéma turc mais il faudra vérifier les dates car M. Scognamillo parle d’une « opérette devenue un film muet » en 1923. Ainsi que de Cici Berber (Le Charmant Coiffeur)…

Je vous ai déjà signalé pour ma part qu’un film  est en projet  à Athènes (il semble qu’il ait pris un peu de retard). Anthi Karra me transmet également le lien d’un blog entièrement consacré à notre diva: j’y ai découvert cette photo-portrait.

Quant à Ilhan Berk, je souligne qu’une traduction de son œuvre est déjà en cours, en Angleterre, à l’intiative de George Messo qui est son traducteur, en anglais.

Lettre à Mélina

Chère Mélina Mercouri,

Nous pensons bien à vous, ici, à Paris. Si vous étiez encore là, nous vous aurions sans doute  déjà entendue vous énerver contre tous ceux qui versent des larmes de crocodiles en continuant tranquillement à compter leurs sous.

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Ici, en ces temps de crise où, comme le remarque Jean-Luc Godard dans son entretien avec Dany Cohn-Bendit  publié par Télérama, «maintenant, on ne parle que de la dette de la Grèce», il s’agit de trouver un bouc émissaire.

Oui, renchérit Cohn-Bendit, «on ne parle que de la dette grecque alors qu’on a une dette envers la Grèce». (N’est-ce pas, Takis ?).

«Tu as raison, poursuit Jean-Luc: c’est bien normal que les Grecs n’aient rien foutu depuis trente ans puisque les touristes allemands, qui ont tout saccagé, leur apportaient de l’argent.

— Il y avait aussi pas mal de Suisses», renchérit Cohn-Bendit…

Pour lire la suite, il faudra se reporter à Télérama 02773. Ou écouter un extrait de cet entretien.

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C’est la crise! Les cartes se brouillent, les esprits s’embrouillent. Et les porte-monnaies s’aplatissent…

En Grèce, tandis que la solidarité européenne laisse à désirer, de surprenants rapprochements se dessinent. Ainsi, le premier ministre turc R.T. Erdogan a quitté aujourd’hui Athènes où il était en visite officielle en qualifiant  son séjour d’«historique».

Chère Mélina, vous savez aussi que le Festival de Cannes s’est ouvert la semaine dernière à Cannes. Il y a tout juste cinquante ans, vous étiez sur la Croisette, n’est-ce pas? Cette année-là, vous avez reçu le prix d’interprétation féminine (ex-aequo avec Jeanne Moreau) pour Jamais le dimanche ( Pote tin Kyriaki) réalisé par Jules Dassin : un film qui vous allait comme un gant (un gant de satin noir, évidemment). Ce film est un hymne à la vie et à l’amour (l’Amour avec un grand A et aussi le vôtre avec Dassin), qui racontait la rencontre d’une prostituée farouchement libre et indépendante et d’un Américain. On y apprenait très vite que la fille ne recevait «jamais le dimanche» car «ce jour-là est réservé aux amis».

J’aurais bien voulu revoir avec vous la petite leçon d’économie domestique que vous  infligiez à l’un de vos visiteurs, mais les vidéos Youtube sont récalcitrantes ces jours-ci. (ou bien c’est ma machine qui, elle aussi, est en train de faire sa crise)…

A un moment, le matelot insiste pour monter et il essaie de mégoter sur les prix. Vous l’envoyez  promener. Il s’étonne: Pourquoi? Vous répondez: parce que je n’ai pas de prix et que je ne vous aime pas!

Ceux vous aiment iront revoir la scène sans moi…

 

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Photos: © Life, 1962

Le dernier opus de Jean-Luc Godard Film socialisme  est en salle le 19 mai.

Lire aussi la note sur Le Mépris.

 

Demir Özlü

envoie une lettre de Stockholm

J’ai reçu l’autre jour un message de Demir Özlü qui fait suite à une très bonne soirée passée cet hiver dans un petit restaurant du XVe arrondissement, à Paris, à boire du Chablis. Et à se chamailler sur Jean-Paul Sartre et Albert Camus. Et aussi à débattre sur le goût immodéré des Turcs pour les espions…

Dans son petit mot, il nous dit que l’hiver fut cette année particulièrement dur, à Stockholm où il habite. Et il fait part de son projet d’aller bientôt à Istanbul pour y mettre de l’ordre dans sa bibliothèque, dans l’espoir d’y retrouver notamment un article qu’il écrivit en 1957 quand Albert Camus reçut le prix Nobel de littérature. Ce qui prouvera au passage à ceux qui en douteraient encore combien la littérature française était alors présente dans le cœur et dans l’esprit des lettrés turcs. Demir Özlü nous apporte également quelques éclaircissements sur le mystérieux séjour de Giacomo Casanova à Constantinople, dans la rue où j’ai moi-même habité beaucoup plus tard…

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Chère Zozo,

Giacomo Casanova a vraiment vécu à Istanbul: pendant plusieurs mois, il s’est installé dans une maison située dans la Postacılar Sokağı, où il était hébergé par  une famille turque occidentalisée qui possédait là un grand konak entouré d’un vaste jardin. Naturellement, toutes les femmes étaient amoureuses de lui, même s’il  avait fait le choix de mener à Constantinople une vie discrète.

J’adore la musique du Rembetico. Mais il faut boire beaucoup trop de raki ou d’ouzo quand on l’écoute… Peut-être le savez-vous déjà:  Costas Ferris a fait un film qui est intitulé Rembetico et que j’ai vu deux fois, à Berlin, en 1984. Et en 1988, au mois de septembre, j’ai fait la connaissance de ce réalisateur  grec. C’est un homme très modeste et très brun qui vit à Itea, près du golfe de Corinthe.

Quand je serai à Istanbul, dans la maison de Feriköy, j’essaierai de mettre la main sur mon article sur Albert Camus écrit en 1957 pour Cumhuriyet.

A bientôt,

D.Ö.

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Illustrations: Melons et pastèques, Süleyman Seyyid (1842-1913)

Rappel: Parmi les nombreux ouvrages de Demir Özlü, les éditions Petra ont publié l’année dernière Un rêve de Beyoglu, (édition originale: 1985 – Traduction: Célin Vuraler)

Rébétiko

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En 1922, quand les Grecs de Smyrne quittèrent l’Asie mineure, chassés par les Turcs de Mustafa Kemal, ils embarquèrent à la hâte pour fuir la destruction de leur ville livrée aux flammes. Dans leurs valises, ils emportaient parfois un instrument qui les suivit jusqu’à Athènes. Et une musique : le rebetiko. Parfois appelé rebetika, rembetiko, ou rembetika… dans tous les cas,  un art de vivre, avec peu d’argent, de la classe, de l’alcool de raisin, et des embrouilles comme s’il en pleuvait.

Sur les quais du Pirée, les mauvais garçons venus d’Orient croisèrent d’autres musiciens, des émigrés débarqués des îles de l’Egée à la recherche d’un avenir d’autant plus hypothétique que se profilait déjà, sur l’Acropole, l’ombre de la dictature de Metaxas qui n’avait qu’un goût très limité pour les accords de l’oud et de l’accordéon.

De cette page de l’histoire gréco-turque, David Prudhomme a fait une bande dessinée qui vient de recevoir le prix « Regards sur le monde » au festival d’Angoulême.

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Edité par Futuropolis, son album intitulé Rébétiko est sous-titré : la mauvaise herbe. En souvenir sans doute des mauvais souvenirs laissés par ces arpenteurs de pavés dans les allées de l’honorable société d’Athènes; et de leur habitude de fumer des narguilés préparés avec une autre camelote que cet écœurant  tabac à la pomme ou à la cannelle maintenant en vogue sur les terrasses d’Ortaköy. Quelle désolation !

A Istanbul, le rebetiko n’a pas tout à fait disparu des rayonnages des disquaires. Mais cette musique lancinante, noyée dans le tumulte habituel de la métropole turque, rend plus cruelle encore l’absence de tous ces rums (les Grecs d’Istanbul) qui peuplaient autrefois ce quartier et dont les traces se sont effacées les unes après les autres, dans le secret de quelques appartements aux rideaux tirés où les vieilles photos seront réduites en poussière avec les derniers survivants d’une communauté disparue.

Cependant, le rebetiko continue à mettre les imaginations en ébullition. Il serait même de nouveau à la mode. Voir la  programmation de février de Babylon, la boîte branchée de Beyoglu.

Sur You tube, j’ai également déniché cet improbable clip mettant en scène un rebet aux allures de chat de gouttière passé à la moulinette. Si vous avez des informations complémentaires sur l’acteur principal et les paroles de la chanson…

Vidéo: Μιχ. Γενίτσαρης- Με πιάσαν επί Μεταξά (Ρεμπέτικο)

La Vénus et l’Hirondelle

A l’invitation des Littératures européennes de Cognac, je suis allée faire un tour en Charentes, juste de l’autre côté de cet estuaire de la Gironde où j’ai vécu mes années lycée, dans le Médoc.

affichelitteurop.1259063693.jpgQuel dommage que ces deux régions n’aient jamais eu l’idée de faire circuler un ferry entre les deux rives de ce fleuve aux eaux sombres qui a des allures de Mékong… Mais ce n’est pas pour parler de la Gironde, ni du Mékong, que j’ai fait le voyage jusqu’à Cognac : j’y avais rendez-vous avec deux écrivains, natifs d’autres rives, celles de la Méditerranée.

L’un est grec. Il s’appelle Takis Theodoropoulos. Journaliste et excellent francophone (il a collaboré au journal Libération) et romancier, il s’intéresse notamment à la mise en perspective de la culture antique et de l’héritage qu’elle nous transmet.

ttportrait.1259063943.jpgEn France, ses livres ont été publiés chez Actes Sud. Et chez Sabine Wespieser. Son dernier récit, paru l’année dernière, est intitulé L’Invention de la Vénus de Milo (traduction de Michel Grodent).Une réflexion pleine d’humour sur la place de l’art dans notre société, illustrée à travers les multiples péripéties liées, vers 1820, à la découverte sur une île de la mer Egée , à Milo, de la Vénus éponyme, mise à jour par un paysan du coin et repérée par un jeune aspirant de la marine française. Avec évidemment toutes les complications qui s’ensuivent liées aux convoitises des uns et des autres (comme on sait, la statue est aujourd’hui exposée au musée du Louvre*).

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Cette année, les Littératures européennes rendaient un hommage à la Grèce. Et comme vous savez que nous fêtons aussi la Saison de la Turquie, l’idée fut d’inviter aussi Mehmet Yashin, dont j’avais déjà croisé la route au mois d’octobre, à Paris.

Son parcours résume à lui seul les convulsions du pays qui l’a vu naître: Chypre, en 1958. Il a tout juste cinq ans quand la guerre civile éclate, en 1963. Plusieurs membres de sa famille sont alors arrêtés, certains disparaîtront pour toujours.  En 1984, il publie un premier recueil, Sevgilim Ölü Asker (Soldat mort, mon amour),  qu’il dédie «à toutes les victimes des guerres de Chypre ». Cet ouvrage reçoit le Prix de la poésie de l’Académie turque,  mais il est également fortement critiqué par les nationalistes turcs. Le livre sera banni en 1986 par les militaires. Et Mehmet Yashin également interdit de séjour en Turquie, où il ne pourra d’ailleurs retourner qu’en 1993.

mehmetyasin.1259068350.jpgIl vit actuellement entre Cambridge, Nicosie et Istanbul. En France, il a publié l’année dernière, chez Bleu Autour, une anthologie intitulée Constantinople n’attend plus personne (traduction et préface d’Alain Mascarou). Ce titre reprend l’un des vers du poème publié en 1998 : Un petit seau de cuivre pour butin. Dans l’édition originale, le mot Constantinople figurait sous sa dénomination actuelle : Istanbul. Et c’est bien de ça que nous voulions parler tous les trois, à Cognac (tous les quatre avec Mehmet Basutçu pour la traduction du turc). De ces décalages, de ces glissades, de ces ruptures qui font qu’une ville ne porte pas le même nom selon que l’on se trouve d’un côté ou de l’autre d’un estuaire ou d’une même mare nostrum, ou d’un mur comme il en existe encore un, à Nicosie, dans l’île que l’on surnomme l’île d’Aphrodite mais qui pourrait porter les couleurs d’une déesse plus guerrière.

Si Mehmet Yashin était un animal, je crois qu’il serait une hirondelle. Dans un poème dédié à cet oiseau, il écrit :

Par moment je sens que je pleure dans mon sommeil

Pourquoi je ne sais pas

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Illustrations — au centre : La Vénus encordée, in catalogue de l’exposition « Le Louvre pendant la guerre. Regards photographiques 1938-1947 ».

Ci-dessus: couvertures des éditions originales de L’Oiseau orange et des Poésies complètes de Mehmet Yashin. Idéefixe Yayinlari.

*A propos du marché de l’art, de son histoire et de ses querelles pas toujours diplomatiques, lire aussi, comme un clin d’œil au roman de Takis Theodoropoulos, l’article publié hier dans Libération sur la Turquie qui réclame le retour at home de deux statues, Zeus et Apollon, actuellement en villégiature au Louvre:

http://www.liberation.fr/culture/0101604613-la-turquie-reclame-des-statues-au-louvre